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jeudi 27 janvier 2011

Bolivie: les catcheuses de plus en plus populaires


La semaine, elle est Mariela Averanga, secrétaire de 29 ans à la Paz, dans le privé. Le week-end, sur les rings, elle est «Benita l'intouchable», une des solides catcheuses aymaras dont les combats captivent de plus en plus de quartiers populaires et de campagnes de Bolivie... 

«Je vais la tuer, cette maudite indienne!» Les cris et grimaces, les prises, les clefs de bras, les sauts depuis les cordes: le petit ring installé sur une place d'El Tejar, un faubourg nord de la capitale bolivienne, vibre avec la spectaculaire dramaturgie du catch. Mais à la mode andine.
Tout a commencé à El Alto, près de La Paz

Car les traditionnelles «polleras» andines, ces jupes bouffantes à jupons, les longues tresses, forment partie de l'arsenal des «cholitas luchadoras», les indiennes lutteuses, qui sont devenues une institution locale, à mi-chemin entre le sport et le cirque, comme tout bon catch. Tout a commencé à El Alto, la grande ville-dortoir surplombant La Paz à 4.100 m d'altitude, affirme à l'AFP Nelson Calle, un promoteur de combat et vétéran du «catchascan» - issu de l'anglais «catch as can» (attrape comme tu peux) - comme on appelle ici le catch, popularisé dans les années 1960 à travers des films mexicains.

Edgar Palacios, lui-même ancien catcheur, «a vu un jour des femmes en pollera en train de se battre dans la rue, une bagarre pour de vrai. Ca l'a frappé car les gens se pressaient pour voir, sans que personne ne s'interpose. Et il s'est demandé: pourquoi ne pas faire des combats de cholitas?» C'est du moins une version de l'histoire. Une autre plus prosaïque veut que le catch masculin, en perte de vitesse dans les années 90 face à la télévision et aux DVD, ait eu le ressort commercial d'ajouter une présence féminine à ses affiches, une addition devenue une discipline en elle-même.

Des sportives à part entière et de petites célébrités locales

Quoiqu'il en soit, une petite décennie plus tard, «Juanita l'affectueuse», «Silvina la puissante», «Elizateth brise-coeurs» et leurs paires forment un petite caste établie et respectée. Dans l'agglomération de La Paz et d'El Alto, elles fréquentent un des quelque huit clubs aux noms évocateurs: «Tigres du Ring», «Groupe Leader», «Faucons du Ring». Avec des heures d'entraînement en musculation, des tournées en province, voire à l'étranger, au Pérou voisin notamment.

Simple fascination du crêpage de chignon? Les catcheuses de l'altiplano deviennent au contraire des sportives à part entière, et de petites célébrités locales - un rare luxe pour la femme indienne -, elles qui sont pour la plupart mères au foyer, commerçantes ambulantes, ou employées de bureau. Par soirée, selon son niveau, une lutteuse peut gagner entre 100 et 200 bolivianos (10,5 et 21 euros), soit entre un quart et un tiers du salaire minimum en Bolivie.

Une lutte entre la «bonne» et la «méchante»

Mais il y a plus. «Je combats depuis sept ans, ça me plaît beaucoup, on sent vraiment l'adrénaline», explique Benita, guère émue de sortir sous les huées des 200 spectateurs qui prennent fait et cause pour «Angela la sympa» et sa technique plus suave, ses tourniquets et ses «ciseaux volants» (jambes autour du cou).

Benita, elle, a un style opposé. C'est une «dure», une adepte des coups de poings et coups de pieds, dans cette lutte entre la «bonne» et la «méchante», le Bien et le Mal, que rejouent éternellement les combats de catch, que ce soit en jupons ou en justaucorps, sur l'altiplano comme ailleurs. A l'autre bout du ring, Angela, vainqueur, est assaillie par des bambins à sa sortie du ring, et exhibe fièrement sa coupure sanguinolente au front, histoire de montrer que tout n'est pas que spectacle.
— © 2010 AFP

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